Une profondeur étrangère, Pierre Schneider.
octobre 23, 2008
Constantin Brancusi, L’oiseau dans l’espace, marbre noir (1931-1936), vers 1936
Epreuve gélatino-argentique, 23.5×17.1 cm
(…)
On s’est maintes fois interrogé sur les raisons qui
ont poussé Constantin Brancusi à s’adonner aussi pas-
sionnément à la pratique de la photographie, en par-
ticulier de ses propres sculptures. « On peut tout faire
à condition de pénétrer dans le royaume des cieux »,
a-t-il écrit (43) . Néanmoins, ni leur affinement jusqu’à
l’essentiel, voire jusqu’à l’essence (voir la série des
Oiseaux), ni leur élan ascensionnel (voir La Colonne
sans fin), ne suffit pour permettre à ses sculptures de
surmonter leur matérialité, leur tridimensionnalité :
l’accès au ciel, c’est-à-dire à la profondeur étrangère,
leur demeure interdit. En revanche, la photographie
rend leur transfiguration possible, parce que son sup-
port est le papier, une surface plate, délicate, donc
prédestinée à se faire profondeur et à s’ouvrir aux
figures, fussent-elles de marbre ou de bronze (44).
43. Constantin Brancusi, cité in Ionel Jianou, Brancusi, Paris,
Arted, 1963, p.59, note 28.
44. Les réflexions abordées dans cet article se trouvent plus lar-
gement développées dans P. Schneider, Petite histoire de l’infini en
peinture, op. cit. et Un moment donné. Brancusi et la photographie,
Paris, Hazan, 2007.
TRACES DU SACRE – Visitations, Editions du Centre Pompidou, Paris, 2008.